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Assises des Travaux Publics de Lorraine 2023

Lien vers la vidéo partie 1 :

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Cette année, nous allons aborder un thème qui peut apparaître un grand classique dans notre milieu, celui du financement des infrastructures. Mais cette année, il a une saveur très particulière car le débat environnemental qu'il ouvre est devenu global, vital et aussi parce que quelque part, ce raisonnement suppose aujourd'hui un changement profond des mentalités des financeurs publics et des acteurs qui y sont associés.

Comme vous le savez, la Fédération Nationale des travaux publics travaille, finance un certain nombre d'études sur la transition écologique et qu'on soit dans des scénarios de sobriété ou dans des scénarios de croissance, dans tous les cas, on est à un coût annuel d'environ 20, 25 milliards d'euros par an. On ne le dit pas assez mais, aujourd'hui, l'usage des infrastructures construites par les Travaux Publics ce sont 50% des gaz à effet de serre en France. On n'arrête pas de parler du bâtiment, de la rénovation énergétique, ce sont 20% des effets des gaz à effet de serre. Inversement, les Travaux Publics, l'usage de ce qu'on a construit, c'est 50% et cela fait, je dirais, des travaux publics le premier secteur parapluie, le premier secteur transversal qui, lorsqu'il travaille pour la transition écologique, travaille en fait pour tous les secteurs d'activité. Comme, d'ailleurs, c'était déjà le cas au niveau économique. Je vous rappelle une petite étude de l'OCDE qui date de 2016 et qui disait qu’en fait 1€ investi dans les travaux publics était l'euro qui avait le plus d'effet de levier et le plus d'impact sur la croissance du PIB.

Donc aujourd'hui, et vous le voyez bien, on entend parler depuis maintenant quelques temps de tous ces discours sur la transition écologique. Le maître mot, c'est l'argent, le financement et on pouvait se poser des questions sur la portée réelle de ce discours. Car, commencer à entendre finalement que la transition écologique, c'était peut-être simplement la sobriété. C'était penser à éteindre la lumière, c'était ne pas tirer la chasse d'eau, c'était marcher à pied et on se demandait quand … on allait passer à l'acte, quand est-ce qu'on allait rentrer dans le dur ? […]  Reste une question, la question du jour, je dirais c'est : comment finance-t-on tout cela ? Où est-ce qu'on trouve l'argent, question qui me paraît à la fois légitime et dont la réponse est souvent un petit peu trop simpliste. Simpliste, parce que, de mon point de vue, elle illustre une nouvelle fois la difficulté d'un certain nombre d'acteurs à penser comme une entreprise, c'est-à-dire à prendre des décisions en fonction, non pas du simple montant des dépenses ou du simple chiffre d'affaires, mais en fonction essentiellement des marges et du bénéfice escompté. […]

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Pourquoi je dis ça ? C'est parce que personnellement, je suis convaincu que la transition écologique, elle est rentable. Elle est souvent perçue comme une contrainte alors qu'en fait c'est une richesse. C'est quelque chose qui peut apporter une valeur ajoutée et donc créer un retour sur investissement. Donc pour moi, la question de ce jour qui devrait être au clair de nos réflexions et comme c'est le cas pour tout un politique, c'est :

Comment transformer ce qu'on appelle aujourd'hui des dépenses d'infrastructures publiques, comme on arrive à transformer ces dépenses en investissement ?

La question est très simple et c'est vraiment la réponse qui est beaucoup plus complexe et que je propose de débattre avec vous aujourd'hui.

La résolution de cette équation en fait, elle nécessite de créer une forme de boucle vertueuse qui relie les acteurs directs, indirects d'un projet donné pour faire un retour sur l'initiateur […]

Et donc ce que je voudrais retenir de de cette discussion, en fait de cet échange, c'est que l'initiateur, il voit toujours son retour sur investissement. La seule question à se poser, c'est, au-delà du taux de de ce retour sur investissement, c'est surtout la durée de la période de retour, c'est-à-dire au bout de combien de temps ce retour sur investissement qu'il faut appréhender encore une fois de manière globale, avec différents éléments… au bout de combien de temps cela intervient ? Et c'est en infrastructure publique, souvent plusieurs décennies. Et là on comprend bien qu'effectivement ce n'est pas du tout supportable au niveau de l'individu. Au niveau de l'entreprise privée par contre, c'est tout à fait supportable, ainsi qu’au niveau de la personne publique qui travaille à l'intérêt public sur des décennies. Il ne subsiste alors plus qu'un sujet, c'est la difficulté de la trésorerie nécessaire pour atteindre ce retour sur investissement. Et c'est probablement sur ce point particulier que le bât blesse le plus. C'est sur ce point qu'il faudrait probablement concentrer les efforts de la force publique pour réussir à transformer encore une fois ces fameuses dépenses en investissement.

En rendant disponible pour tout projet dont la rentabilité aura été probablement validée en rendant disponible la trésorerie nécessaire.

[…] si nous voulons continuer à travailler, à améliorer la situation actuelle, à faire progresser la profession, ça impose impérativement un changement de référentiel, un changement de paradigme avec une évolution de la commande publique, des financements associés de telle sorte que on puisse libérer l'investissement. L'investissement qui, encore une fois, pour des projets rentables, ne consiste pas à faire de la dette mais à libérer de la trésorerie en attente d'un retour sur investissement pour des projets qui ont été validés parce qu'ils sont rentables, socioéconomiquement.

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Je crois, je pense en tant que professionnel mais surtout en tant que citoyen que les investissements pour réussir la transition écologique sont essentiels, que ce soit le volet décarbonatation pour limiter les effets de dérèglements climatiques ou que ce soit pour limiter l'atteinte à la biodiversité, mais que vouloir investir massivement pose la question de la cohérence avec la réalité des politiques publiques que nous avons aujourd'hui, et comment essayer de trouver une solution entre ces 2 phénomènes, et si on n'a pas une énergie, une force permanente, le plus court parcours d'un projet, c'est le parking. Donc il suffit souvent de ne pas trop faire d'efforts sur un projet entre les procédures et les multiples obstacles qu'il a à franchir pour qu'effectivement les investissements soient reportés à longue date. Donc ça, c'est clairement un facteur explicatif.

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[…] Quand vous investissez un milliard sur un bien pour un investissement ferroviaire, la durée économique, ce n'est même pas 50 ans, c'est plus d'un siècle.

Eh bien, vous allez, entre guillemets, l'amortir en une année.

Il va être pris en compte l'année où vous dépensez ces euros pour les travaux.

Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que … un pont, la dénivellation d’un passage à niveau – domaine ferroviaire - eh bien, prenons donc un amortissement, non pas économique, mais allez, on va dire comptable de 50 ans, il va dans la règle comptable être pénalisé par un facteur de 50.

Mais plutôt que de le compter pour un 50e, vous le comptez plein pot.

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[…] Quelque chose qui m'avait marqué quand j'ai pris la présidence de la société du Grand Paris, on n'arrêtait pas de s'extasier devant ses plus grands projets d'Europe « extraordinaire ! Fabuleux ! ». On avait même été interrogés par les parlementaires lors des auditions au Parlement, en commission de développement durable. « Est-ce que vous pensez qu'on en fait pas un peu trop ? Est-ce qu'on est capable ? qu'on va pas trop loin ? Est-ce qu’on est pas trop ambitieux ? »

Bon. Bah c'est plutôt qu'on n’est pas assez ambitieux en Europe.

Parce que des projets comme le Grand Paris, il y en a une vingtaine dans le monde en cours.

[…] Vous savez que ça représente par rapport à tous les chantiers qu'il y a dans le monde en ce moment, le métro automatique ? 7% ! Donc je crois qu'on a un vrai sujet aujourd'hui par rapport à l'investissement en général et par rapport aux enjeux de la transition écologique, c'est de se réapproprier cette ambition, de se réapproprier les règles comptables pour rendre possible cette ambition. Et puis de réfléchir effectivement sur les maîtrises d'ouvrage qui sont les plus appropriées pour le mener à bien.

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Alors parlons un peu de maîtrise d'ouvrage.

Et comment on peut déjà s'épargner un certain nombre de difficultés. Pour cela, il y a eu plusieurs solutions au fil des années passées qui ont montré leur efficacité. La première, c'est effectivement la concession autoroutière. Enfin, la concession en général particulièrement développée pour les autoroutes qui a comme mérite effectivement, en plus, d'aller faire payer l'usager plutôt que le contribuable. Le deuxième, c'est le contrat de partenariat, c'est en fait comme une concession. Il y a une société de projet, elle est créée pour faire un projet, elle va investir pour le projet, elle va entretenir et gérer le projet. Sauf que… elle n'a pas la possibilité d'accéder à l'usager pour lui faire payer l'usage et donc c'est la personne publique qui va lui donner un loyer. Mais là aussi ce n'est pas un montage qui a une très bonne presse et je dirais même que c'est encore pire que les concessions. […] Et puis le troisième montage qui est assez récent mais qui finalement ressemble à ce qu'on appelait les SEMCA, les sociétés d'économie mixte autoroutière, c'est la société du Grand Paris où là on ne va pas faire appel à des capitaux privés, on crée un EPIC.

Donc finalement, c'est sa signature publique qui lui permet d'aller trouver de l'argent. Et puis on embauche des hommes et des femmes qui ont les compétences requises pour assurer la maîtrise d'ouvrage d'un projet. C'est le cas du Grand Paris. J'ai longtemps considéré le schéma du Grand Paris, comme probablement une bonne synthèse de tous ces montages parce qu'il évitait ce syndrome très franco-français de « On se méfie du privé » et puis en même temps, il utilisait exactement les mêmes outils du privé, donc ça pouvait être effectivement une bonne solution de fonctionnement. […]

Et puis enfin, il y a un montage un peu hybride, que je trouve très intéressant, qui n'a pas encore vraiment pris son envol en France. Qui pour le coup est très utilisé en Grande-Bretagne. Quand je m’étais intéressé à ça, il y a une dizaine d'années, il y avait déjà pour une trentaine de milliards de livres d'investissement de cette manière. C'est un mixte entre les marchés de partenariats public-privé et ce qu'on appelle les accords-cadres. Là ce n'est pas sur un projet, c’est sur une politique d'investissement. Donc vous imaginez un maire, un président de département, de région ou d'une métropole. Il vient d'être élu où réélu, il a un programme d'investissement composé d'un ensemble d'actifs : une bibliothèque, un bout de tramway, réaménager le parvis de la gare, revoir son réseau d'assainissement, bref, un ensemble d'investissements qui, prit isolément, à 5, 10, 20 50M d'euros, ne serait certainement pas adapté pour la machine très lourde d'un contrat de partenariat. Mais qui, mis bout à bout sur un mandat, vont représenter peut-être, un milliard d'investissements. Eh bien, la procédure, elle consiste à sélectionner très tôt, lors du mandat, un maître d'ouvrage délégué, qui est composé d'une équipe technique, d'une assistance à maîtrise d'ouvrage, d'un ensemble d'investisseurs qui peut être public, qui peut être privé. Et puis est confié à cette maîtrise d'ouvrage privé le soin d'avancer avec les services de la collectivité publique sur la définition des programmes. Et puis, lorsqu'un programme est prêt, on lance l'appel d'offres sur chacun des projets, pris individuellement, lorsqu'ils sont prêts, ils font l'objet de ce qu'on appelle un marché subséquent. C'est la terminologie utilisée pour les contrats cadres habituellement, qui permettent de faire un PPP pour tel et tel objet.

Beaucoup d'élus qui sont venus voir le Grand Paris ont retenu de de l'expérience, du montage, le fait qu'il ait une fiscalité dédiée. C'est vrai. Mais pour moi, l'essentiel, n’est pas là.

[…] La vraie différence, c'est le fait de pouvoir emprunter, […] On n’investit pas qu'on soit dans le public ou dans le privé, dans un projet qui ne rapporte pas de la richesse ! Alors ce n'est pas de la richesse au sens simplement recette prise sur les usagers de l'autoroute ou les usagers de l'eau. Ce sont des recettes environnementales, des réductions de l'émission de carbone, c'est la réduction de la mortalité, c'est tout un ensemble d'externalités qui pèsent. […] En France, la part du financement public, c'est 69%.

Donc ça aussi on voit bien qu'on est dans un schéma où à un moment ou un autre, la question des ressources va se poser.

Alors des ressources, il y a une bonne nouvelle, c'est qu'il y en a.

Ça fait 70 ans. 70 ans que nous, usagers des autoroutes, finançons le remboursement de la dette contractée pour faire ces infrastructures. Les contrats vont arriver à terminaison entre 2032 et 2036 suivant les contrats.

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Il y a quand même quelque chose qui se joue là, qui va se jouer dans les années à venir, c’est qu’il va quand même falloir se remettre en cause sur un certain nombre de postures politiques, de hiérarchies, de modes d’allocation de la ressource. On est je le rappelle l’un des pays de l’OCDE, en tous cas le pays d’Europe où la fiscalité est la plus élevée donc l’idée d’augmenter la fiscalité ou le prélèvement ce n’est pas forcément une solution promise à un bel avenir. Les marges qu’on pourra en dégager seront forcément très limitées. Ça pose donc la question de la part qu’on demande à l’usager versus le contribuable.

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Quand on parle des fameux 3% maastrichtiens qu'on ne doit pas avoir de déficit public qui dépasse 3%, donc je dis bon 3% ce n'est pas grave. Allez, 3% de quoi ? 3% du PIB ? Mais pourquoi on compare au PIB ? Quand vous allez voir votre banquier pour acheter un appartement, il ne regarde pas votre déficit par rapport au déficit de la commune ou au chiffre d'affaires de la commune. Il regarde votre déficit par rapport à vos revenus. Alors ça commence à changer comme pourcentage, parce que là cette année ou en 2022, on était à 124 milliards de déficit, mais je le compare pas, ces 124 milliards au PIB. Je les compare aux recettes fiscales de l'État, c'est 300 milliards. Ah oui mais attendez 124 sur 300 milliards c'est 42% et quand on regarde dans les années où ça n’allait pas trop mal, avant le COVID, le déficit public sur les recettes fiscales, comptez 27 à 30%.

[…] Alors en guise de conclusion quand même un peu d'optimisme, je suis optimiste parce que premièrement on a des outils performants : comptablement, financièrement, techniquement.

[…] Bon, aujourd'hui je reviens avec ma métaphore. Si on avait trouvé un trésor là ce soir … quelle est la presse régionale à Metz ? [Public : Républicain Lorrain] Voilà.

« On a trouvé des milliards au fond du jardin du préfet, on va pouvoir faire tous les projets qu'on veut ». Mais on ne serait pas capable de les faire.

[…] L'un des gros enjeux c'est effectivement d'avoir un débat sur ces arbitrages, mais donner de la visibilité. Sans cette visibilité, on aura du mal à construire ces projets […]

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V. Lorre : deux mots sur la transition écologique ?

Alors oui, on pourrait en dire beaucoup plus. Remarquez, si on a jusqu'en 2075, on a le temps de préparer son développement, mais c'est aujourd'hui qu'il faut le faire, la transition. Alors je vais être extrêmement schématique et presque vulgaire. Mais la transition écologique c'est une évidence et elle rejoint le propos précédent, c'est à dire que cette transition écologique qui est essentielle sur le plan environnemental, elle l'est aussi sur le plan de la dépense publique parce qu’en s'engageant dans un processus de transition écologique, on fait bien plus que rendre un service budgétaire à sa collectivité. On parle de l'environnement, on parle de la vie sur terre mais on rend aussi service parce qu'on fait des économies en termes d'énergie, isolation des bâtiments, réseaux de chaleur, etc, etc.

V. Lorre : est-ce que vous avez les outils suffisants, vous, en tant qu'élus pour prendre les décisions et les bonnes décisions ?

Mais on n'a jamais complètement tous les outils à la disposition, que ce soit à la ville et même dans une grande collectivité, comme le Conseil départemental. Mais il faut savoir, comment dire, s'entourer. Il faut savoir mobiliser les compétences où elles se trouvent et moi, je crois beaucoup, je crois énormément à - je ne rentre pas dans des schémas de nature juridique - mais je crois beaucoup à un dialogue permanent entre les acteurs privés et la collectivité.

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[…] Il y a des leviers de transformation, de décarbonation dans les entreprises. Et ces leviers impliquent la mise en place de formations. […] Alors nous, nous avons fait ce travail avec carbone 4. Nous avons identifié des leviers de décarbonation et donc que ce soit au niveau du chef d'entreprise, mais également à tous les niveaux : de vos conducteurs de travaux, de vos opérateurs. […]

Ces formations, aujourd'hui, elles touchent en réalité plein de domaines. Elles touchent le management, comment on fait du management environnemental au niveau d’une entreprise. Elles touchent évidemment aussi les enjeux de comptabilité extra-financière. Parce qu'en fait de plus en plus il va falloir que vous calculiez dans votre entreprise votre empreinte carbone à tous les niveaux et que vous soyez en capacité en fait de dresser aussi une chronique de diminution des émissions de CO2. Mais c'est aussi la capacité à proposer des variantes environnementales à vos clients. Et je dirais même au-delà : de se former collectivement, c'est-à-dire entreprises mais évidemment aussi maîtrise d'œuvre, maîtrise d'ouvrage. Et on le sait, au niveau de la maîtrise d'ouvrage publique, il y a des enjeux de formation très forts pour pouvoir accélérer cette transition écologique. Je pense notamment aux enjeux du numérique. Vous avez déjà entendu parler du BIM. Pour certains, c'est encore une notion très ésotérique, mais on peut imaginer que dans les années qui viennent, il y ait une généralisation des marchés avec l'utilisation du BIM. Ce n'est pas juste un gadget. […]

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[…] Donc, à partir de 2012, cette obligation réglementaire d'évaluer les projets d'investissement public de l'État, elle s'est élargie, elle n'était plus limitée au secteur des transports, mais elle a été appliquée à l'ensemble des projets. Ce sont des projets qui peuvent être très différents, ça peut aller de la construction d'un centre hospitalier universitaire à un investissement de l'État pour acheter un supercalculateur de prévision météorologique.

On voit que ce sont des projets différents mais que l'on peut analyser avec la même méthode qui est régulièrement mise à jour par France stratégie par le secrétariat général pour l'investissement.

[…] Donc cette méthode, on peut l'appliquer à un ensemble de projets et dans le cas des Victoires de l'Investissement Local en 2019, on l'a appliqué à la plateforme de Thionville.

On repart de cette balance et puis on détricote l'ensemble du projet. D'un côté on a les impacts qu'on appelle négatifs, qui sont l'investissement, qui sont les dépenses : les dépenses d'exploitation et les externalités négatives pendant la phase chantier, évidemment liée au bruit. Donc on voit la monétarisation qui est plutôt évidente pour ces impacts.

Et puis il y a les impacts positifs liés à la construction d'une passerelle mode doux, puisque cette passerelle permet aux cyclistes, aux piétons d'éviter de prendre une passerelle qui était - enfin un ouvrage d'art - qui était avant plutôt réservé aux automobilistes. Et donc, avec la mairie de Thionville, on s'est dit « Vraiment, a minima, cette passerelle, elle va permettre de doubler le nombre de cyclistes par an et donc elle va permettre à des gens qui, avant, empruntaient leur voiture pour aller de leur domicile à la gare, de prendre maintenant le vélo ou leurs pieds, tout simplement. Et donc on va diminuer la voiture et inciter la pratique sportive ». Diminuer la voiture, ça veut dire des gains de pouvoir d'achat pour les utilisateurs, parce qu'utiliser un vélo, c'est bien moins cher qu'utiliser sa voiture au kilomètre, diminuer les émissions de CO2 avec uniquement quatre-vingts personnes qui passent de la voiture au vélo pour ce genre de trajet, on évite 7 tonnes de CO2 par an. On diminue également la pollution atmosphérique. Il n’y a pas que le CO2 qui est émis par les voitures, on diminue la pollution sonore sur le temps long et puis on permet une hausse de la pratique sportive. Il y a beaucoup d'études qui montrent les impacts positifs de cette hausse de la pratique sportive, notamment sur les courts trajets domicile, travail, domicile ou autres moyens de transport. Ça permet de réduire la mortalité précoce en moyenne de 28%. Et ça, c'est un gain pour la société, pour la sécurité sociale.

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[…] V. Lorre : Franck Serthelon, quand vous travaillez sur cette passerelle, vous êtes conscient de tout ça, vous avez cette vision-là ?

Alors effectivement, on est de plus en plus conscient, nous, entreprise, de ces impacts socio environnementaux. Alors pour ce qui concerne la passerelle de Thionville, tous nos partenaires par exemple étaient locaux puisque la charpente était fabriquée à Verdun, les fondations profondes étaient réalisées par une entreprise locale qui est Durmeyer, donc en fait, on a travaillé avec un ensemble de partenaires locaux. […] on a eu toute une réflexion sur les circulations piétons et cyclistes comment ça arrivait de l'autre côté donc tout cet impact-là a été regardé de près. On a recréé un parc côté rive gauche à la place d'un parking, un parking existant et de l'autre côté, rive droite, on a créé ce qu'on appelle un théâtre de verdure. Donc, en fait, un espace vert avec la possibilité de se poser avec une vue sur la Moselle dégagée, donc vraiment un aspect environnemental très important associé au franchissement. Je dirais… qui était la base du projet.

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C'est avec plaisir que je vous présente ce projet et vous me parliez d'embouteillages. Rue Jeanne d'Arc, tout à l'origine, il y avait 2 flux de circulation. Là, le choix a été fait de réduire la place de la voiture pour créer de la place au vélo. […] puisqu'on passe de 2 voies à une voie de circulation, on met en place une piste cyclable, on augmente la végétalisation et surtout on a un nouveau système de gestion de l'eau, à savoir que l’on récupère la totalité des eaux de ruissellement avec la création d'une chaussette drainante sous la piste cyclable, donc toutes les eaux.

[…] Donc, quelle est la conséquence de ça ? On rebondit maintenant du côté de l'investissement.

C'est-à-dire que le chantier où la métropole de Nancy est maître d'ouvrage a été accompagné par l'Agence de l'eau qui d'habitude n'intervient pas du tout sur des projets typiquement de voirie, c’est plutôt chez mes amis canalisateurs. Donc là, elle intervient. Pourquoi ? Parce que l'eau a été gérée. Et la subvention est conséquente […] D'un point de vue investissement, si on appliquait là les mêmes critères que j'ai entendu avant pour la passerelle, je suis sûr qu'on a certainement de nombreux autres retours, comme la diminution des gaz à effet de serre, puisque qui dit moins de voitures dit moins de gaz à effet de serre, donc une réduction de l'emploi de la voiture au profit du vélo et puis également un moindre coût de traitement des eaux puisque les eaux collectées terminent en infiltration et ne rejoignent pas le réseau d'assainissement de la métropole.

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S. Streiff : Je vais vous exposer plutôt de façon générale, comment sont financés les projets sur les réseaux d'eau potable.  […] Donc l'agence de l'eau est en grande partie financeur et dans certains départements ou régions, il y a également le département qui participe, la région et voire même l'Europe pour certains projets structurants. Le cas qui va vous être exposé est relativement intéressant. […] ce projet est, ou en tout cas le financement, est tout à fait singulier. Alors non pas parce que ça a été une décision initiale de vouloir le faire comme ça, c'est plus par contrainte, avec quelques éléments dont Jérôme va vous expliquer effectivement ce qui est arrivé à ce syndicat-là, ce qui l'a contraint à réfléchir à un autre mode de financement, mais en tout cas qui pourrait être reproduit sur d'autres projets.

[…] La solution qui a été retenue, c'est, pour 3M d'euros, de faire participer le délégataire en lui faisant faire une avance de trésorerie par rapport à ces enjeux de jalons du contrat de délégation. Alors l'avance de trésorerie, c'est ce qui a permis aux syndicats de permettre une garantie d'emprunt vis-à-vis de l'emprunt complémentaire qui a été fait d'accord et surtout de boucler son montant budgétaire de travaux de façon à pouvoir lancer rapidement la modernisation et d'arriver au bout de cet investissement qui consistait à chercher de l'eau propre sanitaire sur le syndicat voisin avec 3 km de conduite et arriver justement à cet objectif de qualité nécessaire à la distribution. Donc, l'innovation tenait dans le fait de faire bouger les lignes en termes de trésorerie, pour pouvoir investir plus vite et réaliser plus vite de façon à monter en en qualité au niveau de la livraison du produit.

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Pour vous parler d'un pont, qui s'appelle le pont de Carcassonne et qui se trouve à Narbonne. Donc ce pont de Carcassonne est un vieil ouvrage qui a plus d'un siècle, un ouvrage métallique qui franchit un certain nombre de voies ferrées. Et comme de nombreux ponts aujourd'hui en France, est malheureusement malade. Je rappelle qu'il y a environ 250.000 ponts en France, il y en a un tous les jours qui est fermé pour cause de problèmes structurels.

Et on estime à 10 ou 15% le nombre de ponts nécessitant, je dirais, des interventions de réparation. Donc cet ouvrage quand même fortement circulé, parce qu'il alimente le centre-ville de Narbonne. Plus de 25.000 véhicules / jour. Ce qui est important.

Il était en très mauvais état structurel et donc fin 2014, a dû être coupé à la circulation pour laisser la place à un certain nombre de travaux de réhabilitation, avant d'être réouvert 2 ans et demi plus tard, en 2017 et avec en plus une limitation de charge vu qu'il n'était ouvert qu’aux véhicules légers.

Et ce que je voulais regarder avec vous, c'est en fait au-delà du simple coût de réparation qui a été de l'ordre de 10M d'euros à l'époque. Savoir un petit peu quelles ont été les autres dépenses, les autres externalités […] donc 2 itinéraires alternatifs ont été mis en place pour toujours laisser l'accès au centre-ville de Narbonne. Un par le Nord de 5 km et un par le sud, rallongeant de 5 km et demi et donc tous les 2, entraînant un allongement de la durée de parcours de l'ordre de 8, 9 Min.

[…] Quand on regarde les chiffres, d'une part la réhabilitation a coûté, pour rappel, 10M d'euros sur une durée de 2 ans et demi. Mais dans le même temps, la pollution a été estimée à un coût d'un demi-million d'euros par an, la hausse du carburant pour les 18M de kilomètres additionnels parcourus chaque année, a été estimé à 3,5M€ par an. Et enfin, la perte de temps dans les transports, c'est généralement quelque chose qui est chiffré dans ce cas de figure à environ 10€ de de l'heure, représente un coût de pratiquement 9M d'euros, c'est à dire qu’on a en plus du coût de la réhabilitation de 10M d'euros par an sur 2 ans et demi, un coût d'externalités (qu'on ne regarde pas toujours parce qu'encore une fois, ce n'est pas directement dans le budget de l'État qui a fait la réparation) de 13M d'euros par an multiplié par 2 ans et demi, ce qui veut dire donc plus de 30M€ et donc finalement, on est en train de dire que il ne faut pas parler d'un coup de reconstruction, de réhabilitation de 10M€. Il faut parler d'un coût global. Encore une fois, vu avec un peu de recul, par la collectivité dans le cadre de l'intérêt public de plus de 40M d'euros. Et là on revient sur ce qu'on a pu dire un petit peu plus tôt dans la matinée. Est-ce qu’il fallait le rouvrir ? Oui ! Est-ce qu'il était rentable ? Oui. Et il fallait évidemment diminuer son coût et on voit bien que la part la plus importante, 3/4 du prix global, finalement, ça a été la durée de travaux qui était trop longue. D'où l'importance encore une fois d'anticiper. Il aurait peut-être fallu préparer un petit peu plus les travaux, laisser un peu plus de temps aux entreprises pour faire leur appel d'offres, comme on le dit régulièrement, et mais surtout après peut-être dire, on est prêt à payer un ou deux millions d'euros de plus pendant la phase de construction pour que les travaux ne durent pas 2 ans et demi mais durant un an et économiser à ce moment-là, 20M€ et c'est là le vrai travail. […]

 

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